Demba Mame Ndiaye est le Président de l'Union Nationale des Mutuelles de Santé Communautaires au Sénégal. A ce titre, il représente l'ensemble des mutuelles de santé au sein du comité interministériel chargé de piloter la mise en place de la couverture maladie universelle au Sénégal. Il représente par ailleurs les mutuelles du Sénégal au Comité Consultatif de la Mutualité Sociale (CCMS) de l'Union Economique et Monetaire Ouest Africaine (UEMOA).
Quel est l'état des lieux de la mutualité au Sénégal et combien de personne les mutuelles couvrent – elles ?
C'est un état des lieux assez reluisant. Depuis l'avènement de la couverture maladie universelle, la mutualité a franchi de grands pas. Les mutuelles de santé ont été reconnues comme axe principal de la couverture maladie en dehors des trois autres axes que sont la gratuité des soins pour les enfants de 0 à 5 ans, le renforcement des politiques de gratuité et le renforcement des institutions de prévoyance maladie. 671 mutuelles de santé ont été mises en place dont 306 pour la seule année de 2016. Il était prévu de créer une mutuelle de santé dans chacune des collectivités locales du Sénégal d'ici 2017 cependant, avec la mise en place de l'agence de la couverture maladie universelle en janvier 2015 les choses se sont accélérées. Aujourd'hui, toutes les collectivités locales sont couvertes en mutuelles de santé.
Nous sommes déjà à plus de 600 000 personnes couvertes, y compris les bénéficiaires de bourses familiales qui ont été enrôlées dans les mutuelles de santé.
Quel est le rôle des mutuelles dans la mise en place de la couverture maladie universelle et quels sont les défis qu'elles ont à relever ?
La couverture maladie universelle comme son nom l'indique à pour objectif de relever le taux d'enrôlement des populations qui est de 20% afin qu'il passe à 75% au moins en 2017. Les mutuelles de santé représentées sur tout le territoire constituent un élément essentiel à la mise en œuvre de cette couverture.
Elles devraient servir de créneau pour permettre l'enrôlement et servir de passerelle pour les populations du secteur informel, afin qu'elles puissent accéder aux soins. D'où la nécessité d'avoir des mutuelles de santé sur tout le territoire national. Nous sommes passés de 3 départements pilotes à 14. En principe d'ici fin 2016 nous devrions être à 24 départements.
Le 1er défi à relever c'est celui de la couverture. Nous étions à 20% en 2013 et nous voulons d'ici 2017 arriver à 75%. Il faut donc que nous puissions enrôler toute les populations, les sensibiliser et les pousser à adhérer aux mutuelles de santé. Il nous faut sensibiliser les collectivités locales pour les amener à appuyer les mutuelles, sensibiliser les prestataires de soins à jouer correctement le jeu et professionnaliser les mutuelles de santé afin de passer du caractère bénévole de ses administrateurs à leur professionnalisation.
Le secteur informel est malade et l'Etat sénégalais veut rétablir une justice. Les citoyens payent l'impôt et n'ont pas de soutien. Avec la couverture maladie universelle, il a été décidé que l'Etat verse un montant de 3500 fcfa pour compléter la cotisation des populations à faible revenu ou qu'il cotise intégralement ( soit 9500 Fcfa) pour les bénéficiaires de bourse familiale. L'Etat intervient aussi pour la prise en charge de l'enfant de 0 à 5 ans dont les soins sont gratuits.
Est ce que Le Sénégal rencontre des difficultés dans l'application du règlement communautaire de l'UEMOA ?
Soulignons qu'aucun pays africain n'a encore mis en place le fonds de garantie prévu par le règlement communautaire de l'UEMOA. En ce qui concerne l'organe de régulation de la mutualité sociale, il a été demandé aux pays de le mettre en place et chaque Etat a essayé en fonction de sa conception de répondre à cette demande. Au Sénégal nous avons mis en place l'agence de la couverture maladie universelle et nous nous posons la question de sa conformité (ou pas) au texte prévoyant la création d'une agence de régulation pour la mutualité sociale. Une chose est sure, nous avons essayé de faire en fonction de ce que nous avons retenu et maintenant nous sommes en train d'apprécier son évolution.
La mutualité est prise en compte dans cette agence et a un rôle à jouer dans tous les actes qui sont posés dans la mise en œuvre de la couverture maladie universelle. L'Etat nous accompagne dans ce sens en supportant la moitié de la cotisation pour l'ensemble des contribuables et l'intégralité de la cotisation pour plus de 300 000 familles bénéficiaires de bourses familiales. Il encourage aussi les collectivités locales à appuyer les mutuelles de santé.