Koto Yérima est le président du Conseil National des Structures d'Appui aux Mutuelles Sociales du Bénin (COSAMUS) qui rassemble des organisations qui s'occupent de la promotion du mouvement mutualiste (ONG et Associations qui ont aidé à l'émergence des mutuelles de santé et à la création de mutuelle). Dans cet entretien, Koto Yérima, également expert au Comité Consultatif de la Mutualité Sociale (CCMS) de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), fait un état des lieux de la couverture santé au Bénin et parle de l'apport des mutuelles dans sa mise en œuvre.
Quel est l'état des lieux de la couverture santé au Bénin ?
Parlant de l'état des lieux sur la couverture santé, il est important de souligner que la loi sur le RAMU a été adoptée (Décembre 2015) et que les textes d'application de cette Loi sont en cours d'études. Le RAMU est un régime obligatoire aux termes de l'article 3 de la Loi qui a été votée. Après la promulgation de cette Loi, il sera donné 1an aux acteurs du secteur public pour s'affilier et une période de 3ans aux acteurs du secteur informel et agricole pour que tout le monde soit enrôlé. On peut envisager un peu plus de 10 000 000 de béninois couverts.
En attendant, une douzaine de textes doivent être étudiés et adoptés d'ici la fin de l'année. Les mutuelles de santé sont identifiées comme des organismes de gestion agrée pour le secteur informel et agricole il leur revient donc de s'occuper de l'affiliation, de la collecte de cotisation des acteurs du secteur informel, du suivi de leur prestation et du contrôle de l'effectivité des soins. Je parle de suivi et non de remboursement parce que pour le moment l'Agence Nationale d'Assurance Maladie (ANAM) estime que l'expertise n'est pas suffisamment poussée au sein des mutuelles pour leur confier la gestion du risque. Cette fonction leur sera dévolue progressivement en fonction de la technicité, du professionnalisme qu'ils vont développer au sein de leur faitière.
Parlant des mutuelles, quelle est aujourd'hui leur place dans le paysage social du Benin et comment fonctionnent-elles ?
Disons que les premières expériences mutualistes au Bénin ont commencé dans le courant de la fin des années 80 et début 90. La toute première mutuelle a été lancée sans aucune initiative technique en 1989 et n'a pas prospéré. Au lendemain de la dévaluation du franc CFA précisément en 1995, de véritables mutuelles ont été mises en place et depuis le mouvement n'a cessé de se développer.
Au Bénin 98 à 99% des mutuelles sont communautaires. Il faut préciser que le Bénin est subdivisé en départements, les départements en communes, les communes en arrondissements et les arrondissements en villages. Aussi, dans le plan stratégique de développement des mutuelles, il est prévu une mutuelle de santé par arrondissement. A partir de 2009, les mutuelles d'arrondissement ont commencé à créer ce que nous appelons les unions communales de mutuelles. Dès 2013, nous avons débuté la mise en place de conseils départementaux de la mutualité sociale au niveau régional. En 2014 c'est le processus de la mise en place de la fédération qui a commencé par la sensibilisation des différentes plates formes union et CDMS, l'élaboration des documents qui doivent régir cette fédération d'abord par zone et la convocation de l'assemblée générale constitutive qui a validé les textes du 24 décembre 2014.
Ainsi, à coté du CONSAMUS il ya ce que nous appelons la FENAMUS ( Fédération Nationale de la Mutualité Sociale du Bénin) qui regroupe les unions communales, les conseils départementaux et CONSAMUS lui même c'est-à-dire les structures d'appui mais avec voix consultative car dans les mutuelles communautaires parfois d'expertise technique et les structures d'appui qu'on retrouve au sein du CONSAMUS en tant que membre à voix consultative se doivent donc de les éclairer sans toutefois, participer au vote ni se faire élire
Cette fédération est mise en place avec 50 unions communales sur 77, 06 conseils départementaux de la mutualité sociales et 10 structures d'appuis
Le recensement de 2012 fait état de 313 mutuelles communautaires pour environ 600 000 bénéficiaires ce qui fait à peu près 6 à 8% de la population béninoise. 6% si on considère la population totale mais 8% lorsqu'on considère la population des localités où nous avons les mutuelles de santé puisque les mutualités ne couvrent pas encore tout le territoire national.
Quelles sont les difficultés de la mutualité béninoise et quels sont les défis que vous comptez relever pour les années à venir ?
La première difficulté reste le financement, en effet le mouvement mutualiste Béninois jusque là n'est supporté que par des partenaires techniques et financiers. Les mutuelles communautaires ne bénéficient pas du financement de l'Etat, elles rencontrent par conséquent des difficultés tant au niveau de leur fonctionnement que de leur gestion dans la mesure où les ressources mobilisées servent à rembourser les prestations et à faire face aux dépenses de fonctionnement.
La deuxième difficulté est liée au pré requis de la plupart des responsables mutualistes, étant donné que dans les villages on n'a pas toujours la chance de retrouver des gens d'un bon niveau intellectuel. Les mutuelles sont obligées de prendre appui sur des personnes qui ne peuvent pas aller au delà d'un certain niveau de gestion parce que limités dans leur formation. Toutefois on observe de plus en plus des instituteurs et des retraités qui commencent à s'intéresser au mouvement et qui prennent des responsabilités.
La troisième grande difficulté qui ne dépend pas des mutuelles et qui provient des agents de santé concerne les relations entre les mutuelles et les prestataires de soins publics qui du fait des conventions avec les mutuelles n'arrivent plus à faire des pratiques parallèles. C'est la raison pour laquelle dans certains milieux on décourage les mutualistes pour qu'ils ne puissent pas se réinscrire quand l'année nouvelle commence.
Au regard de toutes ces difficultés le principal défi c'est la professionnalisation du mouvement, il faut trouver les moyens pour doter les mutuelles de cadres techniques compétents qui vont s'occuper de la gestion des mutuelles de santé ainsi les élus pourront s'occuper de tout ce qui est animation et sensibilisation. Le deuxième défi c'est tout ce qui est participation à la mise en œuvre et à la gestion du RAMU, le Bénin c'est 80% d'acteurs du secteur informel et c'est pour eux que le RAMU se met en place alors s'ils ne sont pas impliqués ce sera un échec mais il faut mériter cette participation et la professionnalisation va y contribuer. Le troisième défi concerne l'ouverture et le partage sur le monde extérieur, ne pas être autocentré, pouvoir s'enrichir des expériences qui ont marché ailleurs et les capitaliser chez soi.