Monsieur le Ministre de l'Emploi et de la Protection Sociale de la Côte d'Ivoire, Monsieur Moussa Dosso,Mesdames et Messieurs les représentants des ministères de la santé et de la protection sociale d'Afrique,Mon cher ami et Président de l'AIM, Christian Zahn,Mon cher ami, Mamadou Soro, Président de la Mutualité Ivoirienne,Honorable Clarisse Mahi, Secrétaire Générale de l'Union Africaine de la Mutualité,Mesdames et Messieurs les représentants des caisses nationales d'assurance maladie d'Afrique,Mesdames et Messieurs les responsables des Mutuelles sociales d'Afrique et d'Europe,Chers partenaires, Chers amis de la Presse nationale et internationale,Distingués participants,Il existe un paradoxe dans les sociétés contemporaines. Les gens ne croient plus au destin collectif mais davantage en leur bonheur personnel, ce qui a pour conséquence de renforcer l'égoïsme individuel et d'aggraver la cassure avec les institutions. Nous assistons à une archipelisation de la société, une perte de repère, de sens et même d'identité. C'est ce qui peut expliquer aujourd'hui la montée des communautarismes et des régionalismes, ce besoin de se recréer une identité et une appartenance dans un contexte de mondialisation effrénée. Nous assistons à une disparition des espérances alors même que ce sont les espérances qui guident les sociétés. C'est une crise du sens dont il s'agit, du sens partagé, de cette absence d'un but et d'un projet commun. Nous ne restons pas spectateurs de cela, nous ne l'acceptons pas. Le modèle mutualiste, à son niveau, à la place qui est la sienne, réponds à cette perte de sens et d'espérances collectives. Les mutuelles proposent un projet collectif partagé. Une vision commune co-construite sur le long-terme, issue de chacun et portée par tous. Il s'agit d'un projet porteur et créateur de sens, tout en étant indépendant de tout pouvoir. Les mutuelles proposent un modèle à but non-lucratif et solidaire où l'argent est un moyen et non pas un objectif, où c'est l'humain qui prime. Elles font vivre leur modèle sur des principes de gouvernance démocratique et de vie politique importante dans le processus de prise de décision. De cette manière, le mouvement mutualiste s'inscrit pleinement dans l'économie sociale et solidaire. Cette troisième voie, entre l'espérance libérale qui s'effrite depuis la faillite de Lehman Brothers et l'espérance collectiviste qui a disparu avec la chute du mur de Berlin, permet d'entreprendre autrement. Elle privilégie le service rendu à la société avant le simple profit, tout en étant de véritables acteurs économiques. Le modèle mutualiste avec son histoire, son maillage territorial, son lien avec les populations, son esprit d'innovation, ses services fournis notamment dans le domaine de la santé, est partie intégrante de l'économie sociale solidaire. Cette troisième voie, dans laquelle les mutuelles ont un rôle essentiel, est une réponse à cette crise de sens qui touche nos sociétés. Les mutuelles ne sont toutefois pas les seules institutions à travailler pour la santé de nos concitoyens. A tous les niveaux, dans tous les pays, nous oeuvrons en collaboration avec les Etats et les institutions de sécurité sociale, à la mise en place de couvertures maladie universelles. Il est clairement apparu, durant ces deux jours riches en débats, que les uns et les autres partagions une même idée. Celle de permettre à la population d'Afrique de l'Ouest de disposer d'un accès à des soins de santé de qualité, abordables et soutenables. C'est un défi immense que nous allons relever. Je plaide d'ailleurs pour que les mutuelles, partout dans le monde et notamment en Afrique de l'Ouest, accompagnent le déploiement et l'extension des socles de protection sociale. Le rapport de l'Association Internationale de la Sécurité Sociale « Les mutuelles, un outil pour le développement de la protection sociale dans le monde », validé par tous les membres de l'AISS, affirme et prouve ce constat simple mais sans appel : les mutuelles ont toute leur place dans les systèmes de protection sociale. Pour favoriser cette place et ainsi améliorer la vie de millions de personnes, le mouvement mutualiste doit être uni. C'est une nécessité. Les perspectives du mouvement mutualiste africain dans le cadre des couvertures santé universelles ne seront positives que si nous travaillons ensemble. Une mutuelle seule, sur un territoire donné et agissant auprès d'une population limitée, ne peut pas représenter la solution. Une mutuelle a besoin d'une structure, elle a besoin de faire partie d'un mouvement et surtout d'agir en cohérence avec ses valeurs. Comme nous avons pu le voir durant les deux jours de conférence, cette structuration peut être issue de différents niveaux. Les discussions sur la structuration nationale du mouvement mutualiste avec les exemples ivoirien, sénégalais, burkinabais et burundais ont permis de saisir les enjeux, les différences propres à chaque contexte local. Mais, à chaque fois, la nécessité d'une formation à l'échelle nationale s'est fait ressentir. Et grâce à l'action des femmes et des hommes du mouvement mutualiste, grâce au soutien technique de programmes comme Masmut et PASS, cette structuration est à l'oeuvre. La constitution de l'Union Nationale de la Mutualité de Côte d'Ivoire en est l'illustration la plus récente, mais ce n'est pas la seule ni la dernière ! D'autres unions suivront et soutiendront le développement des mutuelles face à la concurrence toujours plus acérée de grands groupes financiers non-solidaires. La structuration se développe également au niveau régional et continental. Je profite d'ailleurs de cette tribune pour remercier l'Union Africaine de la Mutualité et son Bureau pour l'Afrique de l'Ouest. Ce sont des interlocuteurs indispensables pour les pouvoirs publics et les organisations internationales. A l'échelle mondiale, le mouvement mutualiste est présent depuis longtemps. Le premier Congrès international de la Mutualité s'est tenu à Paris en 1900. L'Association Internationale de la Sécurité Sociale a été lancée par des Unions nationales de sociétés de secours mutuel dans les années 20. Elle compte en son sein une Commission technique de la Mutualité qui valorise le modèle et les valeurs mutualistes auprès des systèmes de protection sociale. Certains de ses membres sont d'ailleurs présents dans la salle et je souhaite saluer leur travail pour la mutualité au niveau international. Ils agissent en complémentarité avec une autre association que vous connaissez bien et qui fait un travail tout aussi important. Il s'agit de l'AIM, l'Association Internationale de la Mutualité dont le Président, Christian Zahn ainsi que ses équipes ont beaucoup oeuvré pour la réussite de cette manifestation. Depuis sa création en 1950, l'AIM est le levier de notre activité et de notre structuration au niveau international. Et les membres africains, au sein de l'AIM, mais également de l'AISS, sont présents, actifs et jouent un rôle important! Nous sommes un mouvement résolument inscrit dans l'action internationale ! Cette conférence l'a encore prouvé. D'ailleurs, à l'issue de cette belle manifestation, nous avons entendu et compris les besoins et les souhaits. Sur la base des travaux effectués ici, à Abidjan, nous allons en tirer les conséquences, pour l'AIM dans son ensemble, ses missions dans la structuration du mouvement mutualiste africain, la place et le rôle de sa Commission Afrique et Moyen-Orient. Le rôle de l'AIM dans la facilitation de partenariats, le soutien aux mutuelles et leurs coupoles, la coordination entre les régions seront au centre de nos réflexions afin d'assurer le rayonnement de notre modèle et de nos valeurs. J'arrive au terme de mon intervention et je veux conclure en insistant sur la réussite impérative du mouvement mutualiste africain. Dans un environnement globalisé comme aujourd'hui, un modèle ne peut être durable que s'il est présent partout dans le monde. Les assureurs privés à but purement lucratif et sans aucune autre finalité que la recherche du profit pour le profit sont installés sur tous les continents et connaissent une forte croissance, notamment en Afrique. Le modèle mutualiste doit donc se renforcer en Afrique. L'instauration des couvertures maladie universelles est certes un défi mais doit également être vue comme une opportunité. Une opportunité de montrer nos atouts, nos forces, notre légitimité. Cette réussite servira à redynamiser et à montrer la modernité et la vitalité du modèle partout dans le monde. Cette réussite en Afrique est elle-même une condition essentielle de la survie des mutuelles dans d'autres parties du monde, dont l'Europe. Et ici, à Abidjan, au coeur de l'Afrique de l'Ouest, je souhaite dire que c'est maintenant ou jamais. Trop longtemps nous avons vécu sur nos acquis, trop longtemps nous avons rechigné à regarder vers l'extérieur, trop longtemps nous avons souffert de nos divisions. Il faut maintenant relever le défi de l'instauration de la couverture maladie universelle, le défi de la structuration nationale, régionale, continentale, le défi de la concurrence des assureurs privés non solidaires. Les mutuelles africaines doivent être prêtes et sont prêtes. Elles ont les clés en main et seront des modèles pour leurs soeurs européennes. Cette conférence, j'en suis certain, restera un temps fort pour le mouvement mutualiste d'Afrique de l'Ouest. Il sera une source d'innovation et une source d'inspiration pour la mutualité européenne. Un mouvement mutualiste africain fort et uni sera un formidable outil au service de la population, au service du progrès social, au service du progrès humain pour toute l'Afrique. Je vous remercie pour votre attention.