Diagnostic à distance et cours de formation », les pays africains peuvent échanger avec des médecins du monde entier grâce à la télémédecine qui se démocratise sur le continent.
Ebola n'est plus. Le dernier cas, un enfant guinéen, a été guéri, ont annoncé, lundi, les autorités de santé publique, tandis que le Libéria a été déclaré officiellement exempte de transmission du virus le mois passé et que la Sierra Leone, chante "bye bye Ebola", depuis la semaine passée.
Une victoire contre l'épidémie (qui a fait plus de 11.300 morts en 2 ans, selon l'OMS), qui redonne espoir à tout un continent dont les négligences sanitaires et l'absence d'infrastructures publiques fondamentales, ont souvent pour conséquences la propagation d'épidémies et de maladies en tout genre.
Le continent n'a d'ailleurs pas dit son dernier mot, et veut, sa «révolution médicale».
Pour les médecins africains interrogés par Anadolu, celle-ci pourrait bien passer par la télémédecine (médecine à distance qui passe par le transfert de données interactives), un phénomène qui gagne de plus en plus de terrain en Afrique.
Le Réseau en Afrique Francophone pour la Télémédecine (RAFT), crée en 2001 par les hôpitaux et l'Université de Genève à l'initiative de médecins et d'étudiants du Mali, figure en tête des acteurs de la médecine à distance, parvenant à tisser un réseau réunissant plus d'un millier de professionnels, dans une vingtaine de pays d'Afrique, dont le Burkina Faso, le Congo, le Cameroun etc.
"On y suit des cours de formation continue, on demande de l'aide, à distance, pour interpréter une radiographie, une image d'échographie, une photo de lésion cutanée, ou pour obtenir un conseil pour la prise en charge d'un cas difficile. Il s'agit du plus grand réseau de télémédecine en Afrique", explique le Réseau, sur son site internet.
Le Dr Traoré, médecin à l'Hôpital de Dimmbal, situé en brousse au Mali, à 800 kilomètres de Bamako, qui bénéficie d'une connexion internet par satellite et d'outils informatiques du RAFT alimentés par des panneaux solaires, suit, à distance, une formation en épidémiologie et santé publique à l'Université de Bordeaux (France), sans quitter son hôpital.
Formé également à distance à l'utilisation d'un appareil d'échographie, il peut désormais faire des diagnostics plus précis, et demander par exemple, l'avis d'un radiologue qui se trouve à Bamako, sans avoir à se déplacer dans la capitale, selon le Réseau.
Parallèlement, une «Caravane de la Formation Médicale Continue à Distance», lancé au début du mois au Centre hospitalier universitaire de Cocody (Abidjan), par le RAFT, sillonne aujourd'hui la Côte d'Ivoire (du 3 au 24 novembre) afin de «sensibiliser à l'usage des TIC (à déchiffrer c 'est quoi le TIC) en santé et à la formation médicale à distance» des agents de santé dans 10 Centres Hospitaliers Universitaires et Généraux d'Abidjan et de l'intérieur du pays.
Au Mali, "la télémédecine a permis de coordonner une mission humanitaire chirurgicale pour la prise en charge des fentes labio-palatines ( bec de lièvre) en 2012", renseigne, à Anadolu le Docteur Hamadoun Dia, Chef de Section télésanté et Télémédecine Rurale Agence Nationale de Télésanté et d'Informatique Médicale.
"Nous avions commencé par recruter des patients via des spots télévisés. Une fois qu'une grande base a été constituée, nous avons convoqué les patients à Bamako. Ils sont venus de toutes les régions du Mali et même de la sous région (Mauritanie et Guinée). Une fois les bilans pré-opératoires effectués, nous avons enregistrés les résultats sur notre plateforme de téléconsultation", explique le spécialiste malien.
"Les médecins qui devaient venir pour la mission humanitaire étaient des américains (Rotapalst International). Ils avaient des comptes pour se connecter et choisir les patients à opérer avant d'arriver au Mali. Après la mission humanitaire, nous avons continué le suivi des patients pendants 6 mois, et les médecins américains suivaient aussi leurs patients en temps réel. Pendant cette mission, nous avons assuré la prise en charge chirurgicale de 87 patients de moins de 5 ans ayant une fente labio palatine", précise le Médecin dont la mission principale est, depuis, de promouvoir la télésanté et l'informatique médicale au Mali.
De nombreux autres pays de l'Afrique subsaharienne, bénéficient d'initiatives similaires. Au Bénin, par exemple, le premier investissement en télémédecine a été de relier le Centre national hospitalier universitaire de Cotonou (CNHU) aux cinq hôpitaux départementaux et à quatre hôpitaux de zone, grâce au volet télémédecine du projet accord développement sanitaire (PADS) financé par la France depuis 2009.
La télémédecine est donc, aujourd'hui, plus que jamais, au coeur d'une révolution du paysage médicale d'un continent en mal de professionnels de la santé et de véritables structures sanitaires, dans un continent qui représente 13.8 % de la population mondiale mais dont le nombre de travailleurs dans le secteur de la santé est très faible (Ils ne représentent qu' 1.3 % des professionnels de santé dans le monde), selon les statistiques sanitaires mondiales 2013, de l'Organisation Mondiale de la Santé.
Reste à développer, également, les infrastructures de bases qui font cruellement défaut et qui limitent les activités de télémedecine, d'après le docteur Atchi Walla, traumatologue au Chu Sylvanus Olympio de Lomé.
"Pour que l'Afrique face de la télémedecine un véritable instrument au profit des populations des zones rurales, il faudra démarrer par de vraies infrastructures (électricité),une connection de qualité et des agents compétents", tranche-t-il.
125 millions USD ont été accordées par l'Inde, lors du sommet Inde-Afrique, (28-29 octobre à New Delhi) pour les cinq années à venir, pour l'extension d'un projet phare mis en place depuis 2009 : le réseau panafricain d'enseignement et de consultation médicale à distance (Pan-African e-Network project), piloté par la Télécommunications Consultants India Limited (TCIL),qui relie par liaisons satellitaires et optiques, des universités et hôpitaux indiens à ceux de 48 pays africains permettant, ainsi, le transfert de technologies mais aussi de connaissances.
Le Gabon figure parmi les 15 premiers pays africains à avoir mis en oeuvre ce projet portant sur la télé-éducation et la télémédecine dans les sites du Centre hospitalier de Libreville (CHL) et l'Université Omar Bongo (UOB), selon la presse locale.
«Les défis restent encore très grands, mais nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour améliorer l'état de santé de nos populations», promet Dia.