30 ans après la création des FSUCOM en Côte d'Ivoire, le PASS a initié une étude sur les défis de leur pérennisation dans le contexte de la Couverture Sanitaire Universelle. Les résultats ont été restitués lors d'un atelier qui s'est tenu le mercredi 14 Décembre 2022 à la salle Massaï de l'hôtel Palm Club à Abidjan.
Contexte et origine de la création des ESCOM en Côte d'Ivoire
Fruit d'une convention franco-ivoirienne, basée sur un partenariat entre le Ministère de la Coopération et du Développement (France) et le Ministère de la Santé Publique (Côte d'Ivoire), le Projet Santé Abidjan (PSA) a bénéficié, entre 1992 et 1996, d'un appui financier et technique direct, que matérialisait notamment une forte équipe d'assistants techniques coopérants, associés aux experts et cadres, à la fois centraux, régionaux et communaux, des services du Ministère de la Santé Publique.
PSA a été conçu dans le but d'élargir des soins de santé de qualité à moindre coût, à travers une diversification de l'offre de soins, consistant en la création de Formations Sanitaires Urbaines à gestion Communautaire (FSUCOM). Ce Projet était novateur dans la mesure où il introduisait un nouvel acteur, le secteur associatif, parmi les fournisseurs habituels de soins, jusqu'à présent publics ou privés lucratifs.
Les principes de fonctionnement de ces nouveaux établissements reposaient sur : Une politique d'approvisionnement en médicaments à moindre coût ; Un système de gestion des ressources sous contrôle communautaire et sûr ; La mise en place d'un système de recouvrement des coûts sur la base de la tarification des soins.
Le rôle des ESCOM dans la politique de santé publique en Côte d'Ivoire
Les Etablissements Sanitaires à base Communautaire (ESCOM) accueillent les patients nécessitant des soins de base, de qualité, et à moindre coût. Ce sont des unités de soins privées à but non lucratif, créées par une association d'habitants du quartier d'implantation, habitants qui en sont également les usagers. Ces établissements sont liés à l'État par une Convention de service public, et liés à la municipalité par une Convention de concession de domaine public ou de cession d'immeuble. Leur originalité tient sur ce partenariat inédit et innovant développé entre la communauté, l'État et l'autorité municipale.
Les FSUCOM sont passés de 02 structures mises en place en 1994 à 39 établissements à ce jour sur le district sanitaire d'Abidjan avec un taux de fournissement de 80% des soins de premier contact aux populations du district sanitaire d'Abidjan.
Une étude qui éveil les consciences et qui donne un nouveau souffle aux communautaires
Trente ans après cette innovation, les ESCOM qui desservent près de 80% des soins de premier recours dans le district sanitaire d'Abidjan, font face à plusieurs défis notamment l'adaptation de leurs infrastructures, de leurs équipements et de la qualité des soins à l'augmentation de la population à desservir ; l'adaptation aux réformes successives du système de santé ; l'articulation de leur offre avec la politique de couverture maladie universelle mise en œuvre par l'Etat ; leur modèle de gouvernance et leur structuration…
Dans l'optique d'apporter des solutions idoines aux problèmes énumérés en amont, le Programme d'Appui aux Stratégies Sociales (PASS) et ses partenaires ont initié une étude sur les défis et la pérennisation du modèle de FSUCOM dans le contexte actuel de vulgarisation de la Couverture Sanitaire Universelle.
A cet effet pour présenter les résultats de cette étude, un atelier a été organisé pour la circonstance. Il avait pour objectif de présenter l'économie de la recherche initiée et d'ouvrir avec les invités des échanges autour des étapes à franchir pour pérenniser le modèle des FSUCOM trente ans après leur création.
Vu l'importance des résultats de cette étude, plusieurs Institutions et Ministères ont répondu favorablement à l'invitation du PASS, notamment le Ministère de l'Emploi et de la Protection Sociale, le Ministère de la Santé, de l'Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle, l'organisation mondiale de la Santé, le P4H , la Coopération Japonaise, la coopération Française, le Réseau Francophone Internationale pour la santé, la caisse Nationale d' Assurance Maladie, la Confédération Nationale des Etablissements Sanitaires à base Communautaire de Côte d'ivoire, etc.
A l'entame de ses propos Jean-Victor AYITE, Directeur général du PASS, à adresser les mots de bienvenu aux participants puis à évoquer le contexte de la réalisation de cette étude. Dans son intervention il a signifié qu'au moment où la ville d'Abidjan accueillait les premières FSUCOM, il y avait un peu moins de 2 millions de personnes. Les FSUCOM sont passés de 02 structures mises en place en 1994 à 39 établissements à ce jour sur le district sanitaire d'Abidjan. Ces FSUCOM fournissent aujourd'hui plus de 70% des soins de premier contact aux populations du district sanitaire d'Abidjan.
"Aujourd'hui, Le District autonome d'Abidjan compte plus de 6 millions de personnes. Cela créé de la pression sur la demande de soins, des défis en matière d'adaptation des équipements, de l'accueil et des ressources humaines", a-t-il révélé.
"C'est pour mettre en lumière toutes ces questions que nous avons lancé une étude, il y a quelque mois, dont nous venons présenter les résultats. Ceux-ci vont permettre de savoir comment aider ces FSUCOM à améliorer leurs prestations", a-t-il également précisé.
A en croire le Directeur général du PASS, cette étude a permis d'identifier plus précisément, entre autres, les défis de l'adaptation des infrastructures des FSUCOM, de leurs équipements et de la qualité des soins à l'augmentation de la population à desservir.
A cela, il faut ajouter l'adaptation aux réformes successives du système de santé, l'articulation de leur offre avec la politique de la CMU mise en œuvre par l'Etat, leur modèle économique et de gouvernance et leur structuration.
"Le plus gros défi n'est pas que les FSUCOM restent seulement à Abidjan, mais qu'elles puissent déployer leur modèle à l'intérieur du pays pour que des communautés puissent prendre en charge, aux côtés de l'Etat et sous son contrôle, leur propre santé", a confié Jean-Victor AYITE.
Après la présentation du rapport de l'étude par Docteur Jean ETTE, Directeur de Santé Publique et Développement Durable du PASS, une discussion a été ouverte afin que les participants se prononcent sur les points saillants de cette étude. À la sortie de ces échanges fructueux, plusieurs contributions ont été faites par les intervenants notamment celle du Professeur Die Kacou, Conseiller Technique du Ministre de l'Emploi et de la Protection Sociale et de Mr Joachin Koffi, Conseiller Technique du Ministre de la Santé de l'Hygiène Publique et de Couverture Maladie Universelle, en charge des questions de la CMU. Leurs contributions ont porté sur la nécessaire articulation entre les ESCOM et la CMU. « Ces recommandations seront prises en compte dans le rapport final de l'étude », à affirmer le Directeur de Santé Publique et Développement Durable du PASS, Docteur Jean ETTE.
Interrogé par la presse nationale, sur le choix porté à son établissement pour la réalisation de l'étude, le PCA de la FSU-COM de Yopougon-Ouassakara Attié, a justifié cette décision par (03) trois raisons principales à savoir : Le volume et la diversité de ses prestations ; un laboratoire d'expérimentation et d'innovation sociale où la communauté en partenariat avec les organisations privées essaye de mettre en place des actions de promotion de la santé et le cycle de vie de cette FSUCOM qui a vécue tout le processus de mise en place des ESCOM (création, développement et maturation)
Président également de la confédération nationale des ESCOM, Ouattara Clément a également avancé que la pérennisation du modèle des FSUCOM passe par un approvisionnement perpétuel en médicaments génériques et de programmes (Paludisme, VIH-ARV, Tuberculose) de la part de la nouvelle PSP. Sa principale doléance demeure le paiement des arriérés de redevance des FSUCOM de près de 3 milliards Fcfa, qui datent de 2011, dans le cadre de la politique de gratuité ciblée, initiée par l'Etat de Côte d'Ivoire, après la crise postélectorale.
Il est important de souligner que pour la réussite de cette étude le PASS et ses partenaires ont mobilisé différents experts notamment un expert en organisation des soins, spécialiste des normes de santé ; un expert en chaîne d'approvisionnement de médicaments, un expert en système d'informations sanitaires, un expert en analyse financière des coûts de production des soins de santé publique et un expert en e- Santé. Ces experts ont étroitement travaillé avec les points focaux qui leurs ont été assignés lors du lancement de l'étude en octobre dernier par le PASS.
Le dialogue initié en amont de l'étude avec les bénéficiaires a permis d'identifier six (6) défis autour desquels les recherches ont été construites :
1. Les systèmes d'informations sanitaires et la e-santé ;
2. Les conditions de pérennité des ESCOM ;
3. l'organisation et la qualité des soins ;
4. la chaine d'approvisionnement en médicaments ;
5. l'apport de la e-santé dans l'offre de soins ;
6. Le dialogue institutionnel.
Pour rappel, Le Programme d'Appui aux Stratégies Sociales (PASS) est un pôle d'expertise en mutualité, santé et protection sociale qui a pour mission de faire émerger des solutions durables et solidaires face aux problématiques d'accès aux soins et de couverture sociale en Afrique Francophone. Soutenu par le mouvement mutualiste français notamment le groupe VYV et la Mutualité française, le PASS : - Porte des études et sujets de recherche permettant de soutenir des réflexions sur des problématiques de santé et de protection sociale ; - Propose et met en œuvre des innovations sociales en vue d'étendre la couverture sanitaire universelle à tous ; - Fait la promotion du modèle mutualiste en Afrique Francophone notamment en renforçant et en rapprochant les acteurs de la mutualité, de la santé et de la protection sociale, ainsi qu'en appuyant la structuration du mouvement mutualiste.